Vanité

                                    De la goinfrerie comme cri métaphysique

Deux mille cinq cents ans avant notre ère les Egyptiens bâtirent la nécropole de Gizeh. La Pyramide qu’ils offraient à leur pharaon Khéops culmine encore à 137 mètres de hauteur. En 2011 l’horloge surmontée du croissant que brandit au-dessus des fidèles musulmans la Makkah Clock Royal Tower, fut hissée à 601 mètres. L’heure de la prière s’y lit la nuit à 17 kilomètres. La même année les deux tours jumelles du World Trade Center furent la cible orgueilleuse mais surtout le tombeau de plusieurs milliers de civils. A Dubaï dans une sorte de jaillissement téléscopique la tour Burj Khalifa monte à 828 mètres d’altitude. Elle est à ce jour la plus haute construction du monde. Les Grecs anciens ne pensaient-ils pas que la voûte céleste était un ornement, κοσμος, où s’accrochaient en milliers de paillettes les étoiles ?
Qu’y cherchent donc en vain les dards de béton qui la percent ?

Le Seawise Giant de l’Adélaïde Chtinburk est un pétrolier de 458 mètres de long. Sa capacité de transport et de nuisance est de 564 650 tonnes. En ce moment il gît dans le port d’Alang en Inde en attente de démolition. Le Pierre Guillaumat de la Compagnie Nationale de Navigation. fut démantelé en 1983. Il était moins long avec ses 414 mètres. Mais il avait une contenance supérieure avec 663 000 mètres cubes. Contenance un peu inférieure à celle du Prairial exécuté à l’aube sur un chantier naval en 2003. Shell avait armé deux navires comparables en dimensions et capacités, le Batillus et le Bellamya, mais la compagnie au coquillage dut les livrer aux ferrailleurs en 1985 et 1986.
L’émotion m’étreint toujours à la vue des cimetières d’éléphants.

Tout le monde sait que la fortune de Bill Gates s’élève à 76 milliards de dollars devançant de quelques pincées de billets verts celle du mexicain Carlos Slim. Les économies pourtant plus modestes de Madame Bettancourt suffiraient, quant à elles, à combler le déficit de notre Sécurité Sociale et à financer le Ministère de la Justice. Et l’art ? me demandez-vous. L’art se porte bien, rassurez-vous. Je veux dire le marché de l’art bien entendu. Les enchères publiques d’art dans le monde ont en effet atteint l’an dernier un niveau record avec un chiffre d’affaires de 15,2 milliards contre 12,5 milliards en 2013. Peu exigeant Bernard Tapie dans un de ses abondants procès ne demande conformément aux lois du droit public que 50 millions d’euros pour préjudice moral.
N’est-ce pas là la raison suffisante de l’attaque brutale des personnes âgées pour dérober leur menue monnaie ?

Vingt mille. C’est le nombre de têtes nucléaires réparties dans le monde, soit 1 million de fois la puissance de la bombe d’Hiroshima. Et le soldat Kalachnikov ? me demandez-vous. Se doutait-il que son fusil d’assaut serait l’arme la plus répandue dans le monde avec ses 50 à 70 millions d’exemplaires vendus en attendant les bienfaits de la photocopieuse 3D ? Le marché du drone militaire, quant à lui, explose (le marché, ai-je dit ). On estime qu’en 2015, 300 000 drones civils ou militaires seront vendus dans le monde. Quelle ruche va ainsi animer le ciel impavide !
Le mot « drone » signifie « faux bourdon » en anglais. La foire du drone me donne le bourdon. Pas à vous ?

Selon une analyse menée en 2011 par la FAO, on estime que la quantité de gaspillage alimentaire dans le monde s’élève à 1,3 milliard de tonnes par an, 1 300 000 000 000 kilos par an soit environ un tiers de la production totale de denrées alimentaires destinée à la consommation humaine. Mais, dites-moi, vous offenserais-je si je présupposais que vous ne connaissez pas Takeru Kobayasshi ? Il est pourtant surnommé « the tsunami ». Il est né le 15 mars 1978 à Nagano. Mais ce n’est pas tout. Le 3 février 2012 il a dévoré 337 ailes de poulets. Quelques années auparavant il avait avalé 97 hamburgers en huit minutes. En 2006 il avait déjà été champion du monde en faisant disparaître 58 saucisses Johnsonville brat en dix minutes, mais aussi en 15 minutes. il avait su se délecter de 8 kilogrammes de cervelle de bœuf .
Tout ceci explique sans doute tout cela. Histoire de faire bonne mesure. L’abondance porte une corne, c’est connu. Le foie, vous dis-je …
Vanitas …
Aramis

De la goinfrerie

Une pensée sur “De la goinfrerie

  • 22 avril 2015 à 13 h 15 min
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    Concernant le concours de gigantisme des tours érigées récemment dans plusieurs pays arabes, je me disais qu’il s’agissait, ni plus, ni moins, d’un problème freudien évident.
    A ce sujet, il y a 20 ans, au Caire, l’obsession freudienne était l’inverse: on manifestait contre les tours phalliques. En effet, le magazine « L’Economiste » ( n°181, du 25 mai 1995 dont voici le lien http://www.leconomiste.com/article/phallique ) écrivait alors:
    « Après la tour infernale, voici la tour phallique. Des intégristes égyptiens, par pudeur hypocrite, tombent dans une obsession sexuelle que ne comprendrait qu’un freudien zélé. Ils voient des symboles phalliques partout. La dernière subtilité d’un mouvement qui se fait appeler « Al jihad » est de s’attaquer à la tour du Caire, haute de 200 mètres, construite par Nasser en fleur de lotus, un des symboles de l’Egypte. Le groupe veut raser la tour. Sa forme peut rappeler aux dames un organe masculin et leur donner de mauvaises pensées, tout comme les concombres et les aubergines, que ce groupuscule déconseille de manger. Plus ridicule, il n’y a eu que le puritanisme de l’ère victorienne qui voulait couvrir les pieds de tables aux formes phalliques perverses.  »
    C’était il y a 20 ans!
    Les tours phalliques, ça va, ça vient … si l’on peut dire!

    Caliban

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