Depuis 15 ans, pas une semaine ne passe sans que j’apprenne un attentat ici, un acte de guerre là; un égorgement ici, une lapidation là; un enlèvement massif de jeunes filles ici, une demande de rançon là; une démolition de sculptures exceptionnelles ici, une défiguration là; une condamnation ici, une fatwa là; une tuerie antisémite ici, une persécution de chrétiens là; … la liste serait sans fin. Et chaque fois, c’est le fait de musulmans agissant au nom d’Allah, c’est-à-dire de Dieu. Quelques musulmans, certes, mais presque toujours des musulmans.

La terreur

  A cause de ces évènements répétés, je vis dans l’angoisse de ce qui pourrait se passer chez moi, chez mes enfants, chez mes amis, en France et ailleurs. Et comment expliquer à mes petits-enfants que des gens ont été tués parce qu’ils voulaient célébrer Dieu le samedi, au lieu du vendredi ou du dimanche, parce qu’ils voulaient manger casher plutôt que halal ou rien de spécial? Comment leur dire que l’on a tué des dessinateurs et des conteurs, pourtant semblables à ceux qui dessinent et écrivent dans leurs petits livres préférés, parce que ces dessinateurs et ces conteurs avaient dessiné et décrit Dieu de façon moqueuse, mais sans méchanceté ? Comment leur dire que l’on a tué des policiers très gentils qui n’étaient là que pour protéger des dessinateurs menacés ? Comment leur dire que l’on a tué un employé qui nettoyait le bureau des dessinateurs uniquement parce qu’il nettoyait le bureau de ces dessinateurs?

  Mon sentiment, qui revient après chacun de ces actes de terreur, est la révolte. Je suis scandalisé, outragé que l’on ose perturber ainsi ma vie jour après jour alors que je ne leur ai rien fait de mal. Alors qu’au contraire, j’ai, comme beaucoup d’autres français pendant et après la guerre d’Algérie (contrairement à ce que racontent nombre de musulmans), tout fait pour les comprendre et les défendre.

Minorité ou majorité, qu’importe

Qu’ils soient nombreux ou non, qu’il s’agisse d’une majorité ou d’une infime minorité, que m’importe. Il ne sont peut-être que quelques-uns, mais ils tuent souvent : cela suffit à me pourrir, à nous pourrir la vie. Pendant la 2ème guerre mondiale, ma famille a été persécutée, dénoncée, poursuivie par peu de gens – des allemands et des français -, mais pendant longtemps. Et je vous prie de croire que 5 ans, pour un enfant, c’est long et c’est dur, même si l’on soustrait les deux premières années de sa vie, pendant lesquelles il serait soi-disant inconscient.

Que nous importait alors, à ma sœur et à moi, à mes parents et à ma grand-mère, que les allemands persécuteurs représentassent l’ensemble du peuple allemand ou non? Ce qui nous épouvantait, c’est que cette persécution durait, durait sans fin. Quant aux français qui nous dénonçaient et nous spoliaient de nos biens, ils étaient peu nombreux, mais ils étaient là tout le temps, quel que fût l’endroit où nos parents nous faisaient fuir (à l’exception d’un seul).

  Qu’est-ce qui compte aujourd’hui pour les victimes potentielles que nous sommes tous devenus ? Que l’on empêche de nuire ceux qui veulent nous tuer, que ceux-ci soient nombreux ou non. Qu’ils ne restent plus autour de nous, parmi nous, sans que nous sachions jamais lesquels seront nos bourreaux au sein d’une population dont nous ne distinguons pas les uns des autres ? Ce qu’il se passe est intolérable. Je n’en peux plus, je ne l’accepte plus. Cela suffit, cela a assez duré. Et s’il s’agit vraiment d’une infime minorité – 2 terroristes contre Charlie hebdo et 1 contre un magasin Casher-, pourquoi avons-nous été 4 millions à manifester contre eux? En fait, ne soupçonne-t-on pas, derrière ces 3 terroristes, une nébuleuse puissante et considérable, en France et ailleurs ? Mais on ne veut ni le dire, ni même oser le supposer. Surtout pas d’amalgame !

  Ceux qui commettent ces actes, je ne les connais pas, je ne sais ni qui ils sont, ni combien ils sont, ni où ils sont, mais je sais qu’ils vivent près de moi sans que je puisse empêcher leurs agressions. Quand ils ne font pas cela de façon aveugle en se sacrifiant pour Allah, ils le font masqués, cagoulés, pour nous rendre aveugles. Ce qu’ils font aux chrétiens, aux juifs, aux français, aux américains, ils le font au nom de Dieu et avec une haine sans nom pour nous tous. Cela suffit! Même si l’on me répète à longueur de temps qu’il s’agit d´une infime minorité, et qu’il ne faut surtout pas faire d’amalgame et encore moins « les » stigmatiser, mots répétés 200 fois par jour à la télévision et à la radio.

Amalgame et stigmatisation

  Au milieu des discours et des commentaires « politiquement corrects » que l’on entend depuis quelques années, figurent quelques mots utilisés à tout propos d’un ton sentencieux et que chacun est prié d’écouter avec componction, faute de quoi il n’est pas digne de participer à la vie collective en France. Deux de ces mots passe-partout sont destinés à nous culpabiliser et donc à nous empêcher de réagir et d’exiger une action: les mots « stigmatisation » et « amalgame ».

Ces mots sont utilisés au sens figuré et signifient, selon Littré et Larousse:

– « stigmatiser »: imprimer à quelqu’un un blâme sévère, une flétrissure publique (stigmatiser provient du mot stigmate, qui signifie « marque que laisse une plaie »: à ce sujet, on parle, en particulier, des stigmates du Christ crucifié) ;

– « amalgame »: mélange de personnes ou de choses de nature, d’espèce différente.

Résumons: l’amalgame consiste à mélanger, à confondre; la stigmatisation consiste à isoler, à montrer du doigt, c’est-à-dire quasiment le contraire de l’amalgame.

  La tolérance, le laxisme et la compassion de la part des politiques et, plus généralement, de notre société démocratique moderne, ont permis l’éclosion, chez certains jeunes musulmans, de vocations djihadistes sans restrictions parentales, ni sociétales, ni publiques. Or, même si ces djihadistes ne constituent qu’une minorité, la minorité d’un peuple nombreux représente quand même un nombre absolu élevé. Est-ce amalgamer que de constater cela ? De plus, comme je l’ai dit plus haut, qu’importe, pour une victime, actuelle ou potentielle, qu’ils soient nombreux ou non. Le problème est qu’ils exercent leurs méfaits souvent, beaucoup trop souvent. Et qu’ils fomentent des troubles, en les préparant tranquillement dans un environnement qui, le plus souvent, ne leur est pas très hostile. Est-ce stigmatiser l’ensemble des musulmans que de constater ce fait?

  Convient-il de souffrir plutôt que de me garder de toute critique et de tout soupçon, convient-il de mourir sous les balles plutôt que de souhaiter des changements afin de pouvoir vivre en paix, ce qui serait la moindre des choses dans un pays … démocratique?
Il me faudrait accepter leurs intimidations, leurs chantages, leurs menaces plutôt que d’oser m’en méfier et m’en défendre?
Et puis quoi encore? Jusqu’où ? Jusqu’à quand ?
Je vis dans une démocratie devenue trop molle, trop tolérante, trop bonne fille avec tout le monde, ne faisant plus respecter ni les décisions publiques, ni les valeurs accumulées avec le temps. Le discours politique et journalistique est devenu irénique, angélique, naïf, lénifiant.
M’accuse-t-on d’amalgame ou bien de réalisme? De stigmatisation ou bien de lucidité?

A propos de ces éternels amalgames, pourquoi ne parler que de ceux formulés ou pensés par les non-musulmans? Qu’en est-il des amalgames qui proviennent des musulmans eux-mêmes? Pourquoi n’en parle-t-on jamais?

Quelques exemples:

– amalgame entre juifs et israëliens, conduisant à un antisémitisme généralisé;
– amalgame entre français d’aujourd’hui et colonialistes d’hier; entre soldats français pacifiques, mais contraints par la République Française de faire leur service militaire en Algérie et rares partisans de la torture;
– amalgame entre racisme et expression de la liberté de presse;
– amalgame entre terre française laïque et terre arabe religieuse; amalgame entre domaine public et domaine religieux;
– etc.

Poissons dans l’eau, chevaux de Troie

  Combien de musulmans manifestent ouvertement contre les exactions des islamistes djihadistes? Quelle proportion des musulmans n’est pas antisémite?
Mon impression est que les extrémistes, qui comprennent quelques subtiles «penseurs» désirant établir un nouveau Califat, le plus mondialisé possible, se déplacent au sein de la population musulmane pacifique comme des poissons dans l’eau (théorie abondamment mise en oeuvre par Mao Tsé Toung pour convertir les chinois au communisme) et agissent au sein de la population française comme des chevaux de Troie (théorie abondamment expliquée par Lénine, visant à conquérir un peuple de l’intérieur et non pas de l’extérieur).

Public ou religieux

  Aussi longtemps que ce qui compose le Religieux islamique (qui plus est, non expurgé d’un contexte historique qui, depuis le 7ème siècle, a profondément changé) l’emportera sur le droit public, dans le monde sécularisé qui est le nôtre, nous ne pourrons l’accepter: quant à moi, je souhaite que la « res publique » continue de régir nos relations sociales.
Or la laïcité n’a aucun sens pour de nombreux musulmans, la religion demeurant au-dessus des lois, lesquelles ne peuvent être inspirées que par la religion elle-même ou rester caduques et non avenues. Moquer Mahomet sera donc toujours un sacrilège méritant punition. Quant à la liberté de la presse, elle passe loin derrière l’obligatoire respect d’Allah et de Mahomet.
Aussi longtemps que n’aura pas été créé par les musulmans eux-mêmes un clergé organisé et hiérarchisé, et qu’il n’aura pas été procédé à une interprétation modernisée du Coran, de nombreux musulmans continueront à placer le Religieux version 7ème siècle avant le Monde laïc version 21 ème siècle.

Ceux qui minimisent le nombre de nos assaillants potentiels essaient de conjurer une fatalité contre laquelle ils se sentent impuissants. Or, moins ils isoleront ces assaillants potentiels, plus ils en auront peur, et plus ils seront empêchés d’agir.

Les actes anti-sémites, anti-presse indépendante, anti-français, anti- occident sont délibérément accompagnés d’une culpabilisation des victimes et de leurs concitoyens (nous tous) à travers des accusations préventives d’amalgame et de stigmatisation, afin de figer nos réactions possibles. L’accusation d’amalgame devient comme le venin du serpent: après la morsure de celui-ci … c’est l’empoisonnement.
L’oeuf du serpent ou l’hydre à têtes multiples?

Souvenons-nous de l’Oeuf du serpent (dans le film éponyme d’Ingmar Bergman et dans la pièce de théâtre « Jules César » de Shakespeare, jouée et publiée il y a 4 siècles).
Dans cette pièce, Brutus déclare, en parlant du despote Jules César: « Regardons-le comme l’oeuf d’un serpent qui, une fois éclos, deviendrait malfaisant par la loi de son espèce, et TUONS-LE DANS SA COQUILLE… » (acte II, scène 1).

Aujourd’hui, maintenant que l’on a laissé éclore l’oeuf du serpent, on s’aperçoit qu’il s’agissait, en fait, d’une hydre aux têtes multiples.
A cause d’elles, à cause de ses têtes nombreuses sans cesse renouvelées, l’hydre sera beaucoup plus difficile à tuer qu’un simple despote comme Jules César.
C’est pourquoi, cette fois-ci, sans la volonté du peuple, sans la volonté de tous les peuples, l’hydre renaîtra aussi souvent que l’une de ses têtes le décidera.

Ariel Alexandre

La morsure et le venin

Une pensée sur “La morsure et le venin

  • 15 février 2015 à 10 h 14 min
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    Interview du Roi du Maroc (Hassan II) par Anne Sinclair, le 14 mai 1993, à méditer :

    Anne Sinclair : Est-ce que vous aimeriez qu’ils soient intégrés (Anne Sinclair parle des immigrés musulmans) en France? Le principe même de l’intégration, êtes-vous pour ou contre?
    HassanII : Je n’appellerais même pas cela de l’intégration. Je n’aimerais pas du tout qu’ils soient l’objet d’une tentative, car ils ne seront jamais intégrés.
    Anne Sinclair : Vous croyez que eux ne le veulent pas ou que c’est les français qui les refusent?
    HassanII : L’exprimeront-ils qu’ils ne le pourront pas. C’est possible entre européens; la trame est la même. Les mouvements européens dans l’Histoire ont été Est-Ouest. Et les mouvements humains, la religion, tout un tas de choses. Mais là, c’est un autre Continent. Et vous n’en avez que faire. Ce seront de mauvais français.
    Anne Sinclair : Vous nous découragez de chercher à les intégrer?
    HassanII : Je vous décourage en ce qui concerne les marocains d’essayer un détournement de nationalité, car nous ne serons jamais 100% français, ça je peux vous l’assurer.

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